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Il est parfois difficile d’être gaulliste et pro-européen. Michel Barnier en sait quelque chose, lui qui revendique autant son attachement viscéral à l’inventeur de la Ve République que son engagement pour le projet communautaire. Dans un entretien au Journal du dimanche, publié le 20 octobre, le premier ministre, qui a été, à deux reprises, commissaire à Bruxelles, laisse ouverte la possibilité de ne pas toujours respecter le droit européen, dont le général acceptait mal la suprématie sur les droits nationaux.
Michel Barnier y évoque ainsi « un dispositif – une forme de moratoire, par exemple – qui puisse reporter de deux ou trois ans la date d’entrée en vigueur de réglementations très lourdes », parlant, dans certains cas, de « normes et des contraintes déraisonnables ». « Cela vaut en particulier pour des textes européens comme la directive CSRD [directive relative à la publication d’informations en matière de durabilité par les entreprises, qui renforce les obligations des entreprises en matière de publication de données sociales et environnementales], dont il convient de réexaminer la portée », poursuit-il, alors que cette loi est applicable depuis le 1er janvier.
Au nom de la simplification administrative, une demande chère au Medef, le premier ministre préconise donc de reporter l’entrée en vigueur de certains textes européens. Sans en dire plus sur ses intentions. « Plusieurs pistes sont à l’étude, dans l’esprit de lever des contraintes sur la mise en œuvre de la directive CSRD. Le premier ministre a indiqué une direction de travail », précise Matignon.
Si elle ne respecte pas les délais inscrits dans une loi européenne, la France se met en infraction et s’expose à des poursuites devant la Cour de justice de l’Union européenne (UE) à Luxembourg. « Quand un texte est voté, il y a des délais de transposition, on ne peut pas s’y soustraire », rappelle Sébastien Maillard, de l’Institut Jacques Delors.
De fait, la France est souvent en retard, notamment parce qu’elle « surtranspose » parfois les textes communautaires, une pratique contre laquelle Michel Barnier veut lutter. « Pour la France, être en retard, c’est un peu la routine, il n’est pas nécessaire d’en faire un marqueur. Le revendiquer, c’est de la politique politicienne parce qu’un Etat est censé respecter le droit », décrypte une source européenne, qui juge surprenant qu’« un ex-commissaire revendique le droit de violer le droit de l’Union ».
Ce ne serait pas la première fois que Michel Barnier serait tenté de s’émanciper de ses engagements passés. « Il faut retrouver notre souveraineté juridique » sur la question des migrations, avait-il déjà déclaré, le 9 septembre 2021, quand il était candidat à la primaire du parti Les Républicains pour l’élection présidentielle de 2022, s’attaquant ainsi aux fondements mêmes de l’UE.
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